L’entretien de la voirie ou des ponts n’est pas forcément la préoccupation première de la collectivité dans une période de contrainte financière. Le juge pourra cependant la contraindre à prendre des mesures dans l’urgence sans qu’elle puisse invoquer une impossibilité à entreprendre les travaux. Il nous semble donc que les services techniques doivent alerter les élus de la nécessité d’agir comme l’affaire suivante le démontre. Construit en 1912, le pont de Tasdon, à La Rochelle permet à une route départementale d’enjamber les voies ferrées, il surplombe également un parking. Depuis une quinzaine d’années, il souffre de corrosions. La SNCF a également constaté des chutes de béton sur ses installations ou même sur les usagers. Bref, la situation devient dangereuse. La SNCF a alerté le département et la commune. Le règlement du litige est rendu compliqué d’ailleurs par le fait que le département conteste que ce pont lui appartienne (selon nous, dès lors qu’il relie deux parties d’une route départementale, il appartient à la voirie départementale). Les collectivités ont pris des mesures (pose de filets de sécurité pour empêcher la chute de matériaux). Autorité de police dans sa commune, le maire a également interdit la circulation des véhicules motorisées, réservant le pont aux piétons. Mais la SNCF a estimé que ces mesures n’étaient pas suffisantes. Elle a donc saisi le juge des référés (le président du tribunal administratif de Poitiers) qui peut prendre des mesures dans l’urgence dès lors qu’elles ne se heurtent à aucune contestation sérieuse (art. L. 521-3, code de justice administrative). Le juge a donc ordonné au département d’équiper le pont de gabarits d’entrée limitant l’accès des véhicules d’un poids supérieur à 3,5 tonnes afin qu’il soit certain que l’interdiction de circuler soit bien respectée. Il a également ordonné la mise en place d’un dispositif permettant d’en interdire l’accès également aux piétons et cyclistes, en cas d’affluence excessive ou d’urgence. Une expertise a, en effet, constaté qu’il y aurait des risques si les piétons étaient en trop grand nombre sur le pont. Par ailleurs, il enjoint au département de mettre en place un dispositif de surveillance permanent de l’ouvrage permettant de détecter toute évolution anormale de sa structure et de déclencher immédiatement sa fermeture aux usagers en cas de dépassement de sa capacité de portance. Le président du tribunal exige du département qu’il prenne ces mesures dans les deux mois. Passé ce délai, il sera condamné à une astreinte de 1 000 euros par jour de retard. La solution est bien entendu transposable à la commune si le pont est communal.
Carole Diart le 12 septembre 2024 - n°5 de La Lettre des Services Techniques